Vous êtes très nombreux à nous avoir alertés suite à la publication d’un article au sujet du futur projet de réhabilitation du Clos des Fées, il était donc logique que nous nous emparions de cette « affaire ».
En premier lieu, un peu de pédagogie et un petit rappel utile en ce qui concerne la définition du verbe réhabiliter.
Réhabiliter : Restaurer et moderniser un quartier, un immeuble.
Et donc restaurer : Réparer (une œuvre d'art, un monument) en respectant l'état primitif, le style.
Enfin, comme il n’est pas rare que nous fassions un parallèle entre les hommes et le patrimoine, dans le Larousse Médical on parle de réhabilitation d’un patient :
« La réhabilitation est un processus qui vise à amener un patient à l’état de santé le plus proche possible de celui qui était le sien avant sa maladie, tant sur le plan intellectuel que physique. »
Passée cette parenthèse, revenons à présent au sujet qui nous occupe : la « réhabilitation du Clos des Fées ».
Ce château, situé non loin d’Étretat, n’a pas eu beaucoup de chance avec ses propriétaires successifs et il est dans un état de délabrement très avancé.
En 2021, la commune avait fait le choix judicieux de le racheter, afin de lui offrir enfin l’avenir qu’il méritait. À l’époque, nous avions applaudi cette courageuse décision des élus locaux, qui avaient déjà pour projet la réalisation de logements dans l’édifice.
Voilà ce que disait le Monsieur le Maire dans une interview du journal Le Parisien :
« À l’intérieur, tout est effondré. Il est impossible de faire une réhabilitation à l’identique. Alors, un promoteur va intégrer des logements locatifs et quelques maisons en accession à la propriété. Le parc deviendra ainsi un espace ouvert au public ».
Il n’était alors absolument pas question à l’époque de détruire plus de 70% de l’édifice, car si l’intérieur présentait trop de désordres pour envisager une restauration complète, intégrer des logements sous-entendait « conserver l’aspect extérieur ».
Et dans un article du Paris Normandie on pouvait lire : « Cela fait partie du patrimoine de la commune, on va ouvrir cet espace sur le village. Il a une vue mer, il y a du potentiel, il représente 7000 m² dans le cœur du village », expliquait alors le maire François Aubert.
Il n’était donc pas question de faire une restauration historique, mais une réhabilitation pour que des logements aux normes actuelles et pourquoi pas un cabinet médical soient installés dans la belle demeure.
Réhabilitation DANS la belle demeure et pas À LA PLACE de la belle demeure.
En découvrant le projet retenu, nous sommes passés du rêve au cauchemar.
Car, à part un élément de façade et un petit morceau de bâtiment existant, voici encore un bel exemple de Tabula Rasa, ou, ce que nous appelons un « patrimonicide » en règle.
La commune semblait pourtant très attachée à ce patrimoine emblématique et c’est non sans fierté qu’elle présentait ce projet pour sauver ce marqueur fort de l’identité du territoire.
Pour le concrétiser, elle a fait appel à l’Établissement Public Foncier et voici ce que l’on peut lire sur leur site :
« Une nouvelle vie pour ce patrimoine local chargé d’histoire(s)
Le Château du Clos des Fées est un bâtiment emblématique de cette commune de 2 000 habitants située entre Le Havre et Étretat. Typique du Pays de Caux, cette bâtisse de briques et silex, idéalement placée en cœur de bourg, avec vue sur mer, a connu plusieurs vies.
Louis Besnard, architecte, acquiert en 1902 les restes du manoir du Clos des Fées et fait construire tout autour du manoir un véritable palace entre 1904 et 1924.A la belle époque ce lieu fut le théâtre de somptueuses réceptions auxquelles notamment la célèbre actrice Sarah Bernhardt a participé.
En 1926, le château est vendu à la Société foncière d’Étretat, puis en 1931 à la Fondation du Bon Pasteur, mais reste inoccupé jusqu’en 1935, lorsque les Dames de la Providence de Sanvic y installent un pensionnat pour orphelines. En 1978, il devient laïc et héberge des colonies de vacances.
Le château et ses 7 000 m² ont été achetés par un propriétaire privé en 1984, qui, faute de moyens, n’a pu effectuer les travaux d’entretien nécessaires. Il est aujourd’hui dans un état de délabrement avancé (vitres brisées, une toiture déchirée, de la végétation sur les murs…) et le jardin est couvert de déchets et envahi par la végétation.
Devant cette désolation et l’attachement de la population à ce lieu, la commune s’est portée acquéreur de ce château afin de lui redonner une autre vie et rendre plus attractif son centre-bourg. Elle a fait appel à l’EPF Normandie pour se faire accompagner dans son projet de reconversion d’une partie du site en logements.
L’étude, menée sous maîtrise d’ouvrage EPF, s’inscrit dans un projet global autour du château.
Il est prévu la création d’une trentaine de logements mixtes locatifs et d’accession à la propriété. Un commerce ou un cabinet médical devrait également s’y installer.
Le mur d’enceinte qui sépare le château de l’église sera démoli afin d’ouvrir le site sur la commune, ses espaces de détente et de sport tout proches et son front de mer. »
Comme il n’est jamais trop tard pour bien faire, et que le permis de construire ne semble pas encore signé, en collaboration avec des professionnels de la réhabilitation du bâti ancien, nous allons tenter de proposer une autre alternative, car en l’état, ce projet fait bondir tous les amoureux du patrimoine et un grand nombre de professionnels de l’architecture et du patrimoine. Nous espérons pouvoir convaincre Monsieur le Maire qui a très gentiment accepté de nous recevoir prochainement, ce qui signifie que tout n'est pas perdu.
Le Clos des Fées du temps de sa splendeur.
Oui aux logements, et aux logements sociaux dans les édifices en déshérence pour leur offrir un avenir, mais non à cette mode qui consiste à tout détruire et à ne conserver que quelques rares éléments de façades en nous parlant de réhabilitation.
Pour rappel, le façadisme en architecture, est un procédé assez peu glorieux qui consiste à faire semblant de conserver une façade ancienne, pour venir bétonner derrière un immeuble neuf, et non pas le restaurer.
Ce tour de passe-passe a fait de nombreuses victimes notamment à Paris, où après la folie destructrice des années 60-70, la Ville a décidé dans les années 80 d’essayer de sauver de la destruction totale nombre d’hôtels particuliers dans tous les arrondissements, ce qui a généré ce procédé de « façadisme », qui est aujourd’hui proscrit pour justement mettre en valeur & restaurer des immeubles emblématiques, structurant les territoires dans lesquels ils s’inscrivent.
Avec ce projet, Il n’est plus question de nous parler du Clos des Fées, mais plutôt du Clos défait. Ou, comment transformer la Belle au Bois Dormant en monstre de Frankenstein.
À suivre…